- Introduction
- Partie 1 — Droit des fonds photographiques privés
- Partie 2 — Gestion et structures indépendantes d’accueil des fonds photographiques privés
- Partie 3 — Structures publiques d’accueil des fonds photographiques privés
- Outils et annexes
- Foire aux question (FAQ)
- Contact Don et legs
- Télécharger le vadémécum Dons et Legs
Partie 1
Droit des fonds photographiques privés
Si la photographie est présente dans les collections publiques depuis le XIXème siècle, les questions relatives à la transmission des fonds d’auteur·ice·s, aussi bien dans le cadre de successions ou de donations et legs aux institutions, sont relativement récentes.
Cette partie s’attelle à donner des rappels historiques et à préciser des définitions juridiques afin de comprendre le cadre bornant les fonds photographiques, d’appréhender les différentes formes de transmissions de ce patrimoine particulier et d’en protéger les droits afférents.
Il est également possible de désigner une personne pour gérer sa future succession et pour un temps donné, de manière à accompagner les héritier·e·s. Il s’agit des exécuteur·ice·s testamentaires et des mandataires posthumes, qui n’obtiennent a priori pas de droit mais sont chargés de veiller à la bonne exécution du testament ou au respect des volontés d’un·e auteur·ice.
L’ayant droit de la photographie
La constitution des fonds photographiques comme la reconnaissance des droits des auteurs associés aux photographes et à leur œuvre sous-entendent l’existence d’un·e ayant droit, c’est-à-dire d’une personne capable de recevoir tant la charge matérielle que constituent les fonds que l’exercice et la défense des droits des auteurs prolongés dans le temps. Anticiper les successions afin que les ayants droit aient les connaissances et outils nécessaires à la préservation et à la valorisation des fonds des photographes est dès lors la clé de la pérennisation de ce patrimoine.Dans quel contexte apparaissent les ayants droit ?
La figure de l’ayant droit de la photographie émerge avec la reconnaissance du métier de photographe, dans la seconde moitié du XXe siècle. Sans être les auteur·rice·s des fonds, ils·elles en deviennent les principaux·les responsables, incarnant et défendant les œuvres de photographes qui ne sont plus là pour le faire. Que la solution recherchée pour la gestion d’un fonds photographique soit publique ou privée, le rôle des ayants droit s’avère souvent essentiel. Au-delà de l’incarnation de la continuité de la personne de l’auteur·rice, ils·elles sont, lorsque cela est possible, les interlocuteur·rice·s privilégié·e·s pour un certain nombre de démarches et de décisions. Il est souhaitable qu’une passation ait lieu entre photographes et ayants droit du vivant des premier·ère·s afin de transmettre les informations afférentes à la gestion des fonds et aux volontés des photographes (intérêt intellectuel, sources, histoires et contextes, éthique professionnelle, relations de travail…). Au décès des photographes, les ayants droit héritent, en plus du patrimoine général, d’un fonds et des problématiques qui l’accompagnent. Ils·elles font face à une multitude de questions qui sont d’ordres juridique, successoral, ou même artistique, mais aussi éthique et de légitimité. Ces problématiques varient en fonction des photographes et de leurs fonds, laissant difficilement la place à l’énonciation de règles générales en matière de transmission, de pratiques et d’incarnation de la personnalité de l’auteur·rice. Plus que d’un héritage au sens classique et matériel du terme, les ayants droit reçoivent une responsabilité, dont ils·elles sont en droit de se prévaloir ou non.Qu’est-ce qu’un ayant droit ?
Il existe différentes figures qu’il est important de distinguer, concernant tant l’histoire des fonds que les successions des photographes (voir également Comment hériter d’un fonds photographique ?).- L’ayant droit est la personne a qui sont transmis les droits moraux d’un·e photographe après son décès, sans limite de temps. L’ayant droit défend l’aspect intellectuel, non matériel d’une œuvre, dans la continuité de la personnalité de l’auteur·ice.
- L’héritier·e est la personne qui succède à un·e photographe selon l’ordre de la dévolution successorale de l’héritage prévu par la loi, sans qu’il y ait besoin de testament ou d’une donation. On dit qu’ils ou elles sont réservataires, soit qu’une partie du patrimoine d’un·e défunt·e leur est obligatoirement dévolue.
- Le.la légataire est la personne qui, désignée par testament, détient tout ou partie du patrimoine ou des droits d’un défunt. La jouissance de ce legs est cependant restreinte par la quotité disponible de la succession, soit la part restante qui n’est pas légalement allouée aux héritier·e·s.
Droits des auteurs versus copyright
La France dispose d’un système où les droits sont rattachés à la personne de l’auteur·ice, comme un droit de propriété. Ce système s’oppose aux droits des auteurs anglais, américains, ou encore allemands, dits copyright, qui sont rattachés aux œuvres. Ce mécanisme est conçu comme un monopole légal lié au travail plutôt qu’à la personne de l’auteur·ice.- Les exécuteur·ice·s testamentaires sont des personnes chargées de veiller ou de procéder à l’exécution des volontés de la personne défunte dans le cadre d’une succession. La désignation d’un ou plusieurs exécuteur·ice·s testamentaires est libre, (parmi les héritier·e·s, amis, professionnels tel qu’un notaire, avocat, ou autre). L’exécuteur·ice testamentaire doit être désigné soit dans le cadre d’un testament, soit dans un acte séparé (document écrit, signé et daté). Sa mission doit être exécutée dans les deux ans après l’ouverture du testament, avec une prolongation d’un an maximum après demande auprès d’un juge. Son bilan d’activité doit être présenté dans les six mois suivants la fin de sa mission aux héritier·e·s. Si la mission de l’exécuteur·ice testamentaire est à priori gratuite, les héritier·e·s sont tenu·e·s de rembourser les frais engagés dans l’exercice de sa mission.
- Les mandataires posthumes ont pour rôle de gérer les biens d’une personne pour le compte des héritier·e·s. Comme pour l’exécuteur·ice testamentaire, la désignation du ou de la mandataire posthume est libre, mais l’acte de mandat doit être rédigé par un notaire et accepté par un·e mandataire du vivant de la personne qui souhaite déléguer cette mission. Après le décès, les héritier·e·s doivent accepter la succession pour que le.la mandataire puisse pleinement effectuer ses missions. La durée du mandat est de deux ans maximum et le.la mandataire doit rendre compte de sa gestion aux héritier·e·s chaque année. Toutefois, un·e mandataire ou un·e héritier·e peuvent demander au juge judiciaire de prolonger le mandat qui peut s’étendre sur cinq ans.
Le droit d’auteur appliqué à la photographie
À son apparition, la photographie n’est pas soumise au droit d’auteur, étant considérée comme un procédé technique de reproduction . Cette question émerge rapidement dans le courant du XIXe siècle quand se pose celle de l’originalité de la photographie comme art, tant du côté des beaux-arts que du droit . C’est la loi du 11 mars 1957 sur le droit d’auteur qui consacre la protection de toutes les œuvres de l’esprit, quel qu’en soit le médium. Cette loi reconnaît pour la première fois un droit moral des auteur·rice·s pour les photographes, existant jusqu’alors uniquement dans la jurisprudence. Dans un premier temps, la loi fait une distinction entre les photographies artistiques et les photographies documentaires, avec différents régimes alloués. Cette séparation est fortement critiquée – doit-on laisser à une·e juge l’appréciation de la dimension artistique ou non d’une photographie ? – et est abrogée par la loi Lang de 1985 qui appréhende plus généralement le droit d’auteur pour toutes « œuvres photographiques et œuvres réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie » – selon la formule consacrée aujourd’hui à l’article L. 112-4 du Code de la propriété intellectuelle (CPI). En 1992 le droit d’auteur fait à nouveau l’objet d’une refonte pour rassembler ses différentes prérogatives en un Code de la propriété intellectuelle. Si les lois de 1957 et 1985 sont abrogées, le fond du droit ne change pas. En 2016, la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) reprend une directive européenne de 2001 concernant l’harmonisation de certains aspects des droits des auteurs et des droits voisins. La même année, le Conseil constitutionnel reconnaît le statut constitutionnel de la propriété intellectuelle et assimile le droit d’auteur et les droits voisins à la notion de droit de propriété de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. D’autres lois viennent compléter ce régime : les lois des 1er mars 1994, 9 mars 2004 et 29 octobre 2007 – cette dernière transposant la directive européenne du 29 avril 2004 – qui renforcent la lutte contre la contrefaçon ; la loi du 1er août 2000 relative à la communication audiovisuelle ; les lois des 17 juillet 2001 et 20 décembre 2011 sur le régime de rémunération pour copie privée ; la loi du 21 juin 2004 sur l’économie numérique ; les lois Hadopi I du 12 juin 2009 et Hadopi II du 28 octobre 2009 ; ou encore la loi du 20 février 2015 qui organise le statut des œuvres orphelines. La loi du 7 juillet 2016 érige la « liberté de création » comme liberté publique, au même titre que la liberté d’expression ou que la liberté de la presse. La loi du 7 octobre 2016, « Pour une république numérique », complète ce régime en instaurant à l’issue de longues consultations un régime de circulation des données et du savoir, traite de la protection des citoyens dans la société numérique et consacre l’accès aux services publics par le numérique. En 2019, une nouvelle loi est adoptée afin de reconnaître des droits voisins des droits des auteurs, au profit des agences et éditeur·rice·s de presse.La notion d’originalité appliquée à la photographie
La notion d’originalité est la condition permettant la protection légale d’une œuvre. Le critère de l’originalité des œuvres d’art est prévu par la Convention de Berne de 1886 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. En droit français, la notion d’originalité est assimilée à l’empreinte de la personnalité de l’auteur·ice. L’originalité doit être recherchée dans le processus de création et non dans la forme finale de l’œuvre, l’auteur·ice doit faire des choix personnels, libres et créatifs. Cette approche est subjective et s’oppose à l’exigence objective et chronologique de nouveauté prévue en droit des brevets par exemple. La Cour de Justice de l’Union Européenne s’est confrontée plusieurs fois à la définition de cette notion. En 2009 dans l’arrêt Infopaq, elle définit l’originalité comme une « création intellectuelle propre à son auteur ». Cette solution est reprise en 2011 par la même Cour dans l’arrêt Painer et reconnaît que « création intellectuelle de l’auteur qui reflète sa personnalité, sans que d’autres critères, tels que la valeur ou la destination ne soient pris en compte ». Depuis 1985 la loi apprécie globalement les photographies comme œuvres de l’esprit protégées par le droit d’auteur. Trois aspects de la condition d’originalité sont généralement appréciés par les juges du fond permettant de distinguer le photographe du technicien :- Quant au sujet photographié, sa position et à sa mise en scène
- Quant à la prise de vue en elle-même (cadrage, éclairage etc.)
- Quant aux procédés de développement et des retouches faites directement sur l’image ou le tirage (incluant de la même manière les procédés historiques, argentiques et numériques).
Qu’est-ce que le droit moral ?
Le droit moral est un droit consacrant le lien entre un·e auteur·rice et son œuvre, permettant de sanctionner les atteintes aux prérogatives morales, non économiques. Ce droit est imprescriptible, inaliénable et insaisissable. Il est également personnel, attaché à la personne de l’auteur·rice, et ne peut être cédé qu’en cas de succession. Il est perpétuel et se transmet aux héritier·ère·s de l’auteur·rice, sans limite de temps, au-delà du moment où l’œuvre tombe dans le domaine public.Droit moral en France versus à l’international
La France est l’un des pays les plus protecteurs en matière de droit moral, bien que tardivement codifié. En droit international, la convention de Berne prévoit la protection de ce droit dans une forme moins complète que le droit français et, pour être sanctionnée, une atteinte au droit moral suppose de nuire à l’honneur ou à la réputation de l’auteur·rice. Le Code de la propriété intellectuelle distingue quatre prérogatives permettant de défendre le lien entre l’auteur·rice et ses œuvres, quel que soit le médium, aux articles L. 121-1 et suivants du CPI :- Le droit de divulgation de l’œuvre est le droit de dévoiler l’œuvre de manière publique pour la première fois. Ce droit donne à l’auteur·rice aussi bien le contrôle de la communication de l’œuvre que celui des modalités de divulgation.
- Le droit de repentir ou de retrait est la reprise unilatérale de l’œuvre par l’auteur·rice après sa communication au public. L’auteur·rice doit cependant remplir un certain nombre de conditions avant de pouvoir jouir pleinement de ce droit. Au préalable, il doit indemniser son·sa cocontractant·e pour le préjudice causé par le retrait de l’œuvre. Si l’auteur·rice souhaite publier son œuvre à nouveau, il·elle est également tenu·e de solliciter son·sa cocontractant·e en priorité et aux conditions initialement prévues. Le droit de repentir ou de retrait s’éteint au moment du décès de l’auteur·rice.
- Le droit à la paternité sur l’œuvre, ou « droit au nom ». Il s’agit de l’exigence du respect du nom de l’auteur·rice, de sa qualité de créateur·rice et de son œuvre à part entière. Concrètement, ce droit se manifeste par la mention du nom de l’auteur·rice à chaque fois que son œuvre est exploitée, quelle que soit l’utilisation ou le mode de communication.
- Le droit au respect et à l’intégrité de l’œuvre, soit le droit d’interdire les modifications de la forme de l’œuvre (coupures, retouches, mutilations, adjonctions, etc.) comme de l’esprit de l’œuvre (détournement, contexte, etc.).
La pratique des droits réservés dits « DR »
La mention « droits réservés » est un mécanisme permettant à certains éditeur·rice·s de publier des œuvres dont l’auteur·rice ou la provenance n’ont pas été identifiés. La reconnaissance de la paternité de l’œuvre et la rémunération qui s’en suit peuvent être effectuées après publication, sous réserve que le·la titulaire des droits s’en réclame. En théorie, l’œuvre doit avoir fait l’objet de recherches « diligentes, avérées et sérieuses » (article L. 113-10 du CPI). Dans les faits, cette pratique est utilisée sans recherche approfondie, laissant aux auteur·rice·s la charge d’identifier les publications et de réaliser des démarches afin de défendre leurs droits, ce qui peut s’avérer compliqué. Cette pratique concerne de nombreux photographes en raison de l’utilisation originelle du médium dans la presse, ainsi que de la facilité de reproduction des images. Ce mécanisme crée une double négation des droits des auteurs. Il y a une atteinte au droit moral d’abord, car on nie la paternité d’un·e auteur·rice sur son œuvre. Cette atteinte concerne également les droits patrimoniaux car, par l’omission du nom de l’auteur·rice, on s’abstient de fait de le·la rémunérer pour la publication de son œuvre.Qu’est-ce que le droit patrimonial ?
Les droits patrimoniaux sont des droits exclusifs présentant toutes les caractéristiques de la propriété privée : ils peuvent être autorisés ou interdits par l’auteur·rice, génèrent potentiellement un profit s’ils sont utilisés par un tiers et peuvent être cédés de manière gratuite ou onéreuse par leur propriétaire. Comme pour les droits moraux, les droits patrimoniaux sont appréhendés par le Code de la propriété intellectuelle de manière globale. Il n’y a pas de distinction en fonction du type d’œuvre, et donc pas de régime propre à la photographie. Les droits patrimoniaux sont temporaires et indépendants les uns des autres ; un·e photographe peut choisir de céder distinctement tout ou partie de ses droits. On distingue les droits exclusifs à l’auteur·rice, qui rassemblent le droit de reproduction et le droit de représentation dans ce que l’on appelle le monopole d’exploitation de l’auteur·rice, des droits à rémunération .- Le droit de reproduction permet d’autoriser ou d’interdire la fixation matérielle de tout ou partie d’une œuvre, quel qu’en soit le support, donnant lieu à sa communication au public de manière indirecte (livre, journal, carte postale, etc.). Ce droit permet de contrôler l’usage et la destination d’une œuvre, ainsi que ses éventuelles reproductions illicites .
- Le droit de représentation ou de communication au public donne à l’auteur·rice la capacité d’autoriser ou non la communication d’une œuvre au public, de manière directe (exposition, présentation au public, etc.) ou indirecte (diffusion différée, internet, etc.). Concernant la photographie, ce droit s’applique pour l’image et non pour chaque édition d’un même tirage .
Le droit d’exposition
Le droit d’exposition est un droit qui permet aux photographes et artistes de bénéficier d’une rémunération en contrepartie de la présentation de leurs œuvres au public. Bien que mentionné à l’article L. 122-2 du CPI, le droit d’exposition ne fait pas l’objet d’une rémunération systématique, ce qui occasionne de nombreuses critiques. En 2019, la publication d’une recommandation intitulée « Une rémunération du droit de représentation publique » par le ministère de la Culture amorce la mise en place d’une rémunération codifiée. Cette recommandation propose d’instaurer une rémunération plancher de la part de toutes les institutions recevant des subventions du ministère de la Culture.- Le droit de suite : c’est le droit inaliénable de percevoir un pourcentage du produit de toute vente par un·e professionnel·le du marché de l’art après la première cession opérée par l’auteur·rice ou ses ayants droit ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Le paiement du droit de suite est à la charge du·de la vendeur·se. Il est dû aux héritier·ère·s, pour une durée qui s’étend à soixante-dix ans après le décès de l’auteur·rice. Le droit de suite a été créé en 1920, afin que les enfants et veuf·ve·s d’un·e artiste puissent bénéficier de revenus sur la revente d’œuvres.Pour bénéficier des droits à rémunération, le·la photographe doit se rapprocher d’une société de gestion collective, comme l’ADAGP ou la SAIF. Ces sociétés ont pour mission de percevoir et de répartir les droits des auteur·rice·s.
- Le droit de rémunération pour copie privée : il s’agit du droit collectif des auteur·rice·s de bénéficier d’une rémunération au titre des reproductions et utilisations dérivées licites d’une œuvre. Cette rémunération est versée aux organismes de gestions collectives des droits (ADAGP, SAIF) qui se chargent de les redistribuer aux auteur·rice·s adhérent·e·s .
Introduction
Dons et legs : que faire des fonds photographiques privés ?
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Gestion et structures indépendantes d’accueil des fonds photographiques privés
Partie 3
Structures publiques d’accueil des fonds photographiques
Outils et annexes
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