Partie 2

Gestion et structures indépendantes d’accueil des fonds photographiques privés

La succession des fonds photographiques, composés d’objets aux statuts et usages variés, soulève un certain nombre de problématiques qu’il est nécessaire d’anticiper. Une bonne gestion de la transmission permet d’assurer au mieux le respect des volontés des photographes et l’intégrité des fonds. Cette tâche préalable permet ensuite d’envisager le choix d’une structure d’accueil ayant pour but de concevoir et de mettre en place la gestion et la valorisation des fonds. Si les dons et legs à des institutions publiques assurent un traitement inaliénable, imprescriptible et insaisissable des fonds tout en enrichissant les collections publiques (voir Partie 3. Les structures publiques d’accueil des fonds photographiques en France), ce travail peut être réalisé dans le cadre d’une structure privée (association loi 1901, fonds de dotation, fondation) si une gestion autonome est privilégiée. Après l’étude des questions de succession, est présenté un panorama des différentes structures de gestions indépendantes.

Questions pratiques sur la succession et la gestion des fonds photographiques

À défaut de réponses et de modèles déterminés applicables à l’ensemble des fonds photographiques et leurs problématiques spécifiques, les questions qui suivent servent d’outils pratiques et de base de réflexion pour permettre aux photographes et ayants droit d’anticiper les démarches juridiques et administratives de succession, ainsi que les modes de gestion pour les fonds photographiques éventuellement souhaités.

Comment hériter d’un fonds photographique ?

Quelle était la situation maritale du ou de la photographe ? Avait-il·elle des enfants ? Sont-ils·elles issu·e·s de la même union ? La dévolution du patrimoine varie selon les situations maritales et familiales du ou de la photographe. En l’absence de testament, la loi prévoit un système pour identifier les héritier·ère·s, classé·e·s graduellement dans l’ordre suivant :

  • Les enfants (ou, à défaut, leurs descendances)
  • Les parents, frères et sœurs (ou leurs descendances)
  • Les ascendants (grands-parents, arrière-grands-parents)
  • Les collatéraux (oncles, tantes, cousins, ou leurs descendances)

Si une catégorie est remplie, elle exclut les suivantes.

Le·la photographe était-il·elle en couple ? À côté des catégories énoncées par la loi, se distingue la figure d’un·e conjoint·e survivant·e qui, dans certains cas, peut être identifié·e comme héritier·ère ou légataire d’un·e photographe après son décès. Les conjoint·e·s survivant·e·s deviennent héritier·ère·s réservataires lorsque les photographes marié·e·s n’ont pas d’enfant, obtenant une part obligatoire de l’héritage des défunt·e·s. Les conjoint·e·s survivant·e·s peuvent également bénéficier d’un usufruit sur les droits d’exploitation, leur permettant de recevoir les redevances générées par la diffusion et l’utilisation des photographies. Cet usufruit spécial est effectif jusqu’à leur remariage ou leur décès. Le·la partenaire pacsé·e ne figure pas dans la liste des héritier·ère·s et doit faire l’objet d’une disposition testamentaire expresse par l’auteur·rice s’il est souhaité de l’inclure dans la succession. Si un·e photographe est divorcé·e, la personne divorcée ne bénéficie pas de la succession, sauf disposition testamentaire expresse par l’auteur·rice.

Le·la photographe avait-il·elle prévu un testament ? Le testament est un document essentiel, en ce qu’il permet d’assurer que la volonté d’un·e photographe soit respectée. Il permet également que la succession s’effectue de manière plus personnalisée que ce qui est prévu par la loi, concernant tant la destination des droits que du patrimoine.

Le régime d’indivision

Si les droits patrimoniaux sont partagés entre plusieurs héritier·ère·s, ces dernier·ère·s devront s’accorder collégialement pour toute prise de décision. C’est ce que l’on appelle le régime d’indivision. La nomination d’un mandataire est conseillée, afin de faciliter la prise de décision et d’éviter les conflits.

Le·la photographe avait-il·elle la nationalité française ? Vivait-il·elle en France ? Où est-il·elle décédé·e ? Des lois étrangères peuvent s’appliquer en fonction de la nationalité et du pays de résidence d’un·e photographe. Sauf exception, la loi du pays de résidence au moment du décès est celle en vigueur. En France, les droits de succession doivent être réglés dans les six mois consécutifs au décès. Ce délai est étendu à un an si le·la photographe ressortissant·e français·e décède à l’étranger.

De quoi est composé le fonds photographique ? Il est essentiel d’avoir un inventaire ou un archivage de l’entièreté des biens compris dans un fonds afin d’évaluer le patrimoine d’un·e photographe, les droits – et éventuellement les dettes – à régler et de déclarer la succession.

Comment régler financièrement une succession ? Les héritier·ère·s doivent payer à l’État les droits de succession afin de pouvoir bénéficier du transfert du patrimoine d’un·e photographe. Néanmoins, ils·elles sont en droit d’accepter ou non la succession et donc de payer ou non les droits prévus à cet effet. Il existe des mécanismes propres au milieu de l’art, comme la dation en paiement ou la donation d’œuvres ou d’archives, qui permettent des abattements fiscaux dans le paiement des impôts et taxes.

Est-ce que le ou les ayants droit souhaitent s’occuper de la gestion du fonds ? Si cette question concerne plutôt le moment où la succession est réglée, il peut être intéressant de l’anticiper en amont afin de prévoir des mécanismes et structures adaptées au fonds et à sa potentielle valorisation. Il est conseillé de faire appel à un·e avocat·e, afin de trouver un modèle correspondant au mieux aux usages du fonds souhaités.

Comment hériter des droits moraux ? Sans testament, les droits moraux sont transmis aux héritier·ère·s réservataires, selon les règles de droit commun des successions. Si plusieurs héritier·ère·s sont en possession de ce droit, ils ou elles devront l’exercer de manière indivisée. Les droits moraux étant perpétuels et imprescriptibles, il est nécessaire d’appréhender leur transmission dans le temps. Ces droits sont également inaliénables, en ce qu’ils ne peuvent être cédés ou vendus dans le cadre d’un contrat, sous peine de nullité. Néanmoins, ils peuvent être cédés à une tierce personne désignée légataire par voie de testament par un·e photographe après son décès.

Droits moraux

Sans testament

Avec testament

Droit de divulgation

Dévolution selon l’ordre suivant :

descendants

conjoint·e· survivant·e (jusqu’à son
remariage ou son décès)

autres héritier·ère·sprévu·e·s par la loi

– soitexécuteur·rice testamentaire, dans le
cadre de ses missions- soit tiers désigné par testament (légataire)
Droit à la paternité Héritier·ère·s selon l’ordre de dévolution
légale
Tiers désigné par testament (légataire)
Droit au respect et à l’intégrité de l’œuvre
Droit de repentir ou de retrait

S’éteint au décès d’un·e photographe

Comment hériter des droits patrimoniaux ? Sans testament, les droits patrimoniaux sont transmissibles aux héritier·ère·s selon les règles de droit commun des successions, pour une durée courant jusqu’à soixante-dix ans après le décès d’un·e photographe. La présence d’enfant exclut tout·e autre héritier·ère, à l’exception d’un·e conjoint·e survivant·e si l’auteur·rice était marié·e. Si un·e photographe n’a pas d’héritier·ère ou s’il ou elle renonce à la succession, l’État percevra son patrimoine.

Le cas de l’œuvre collaborative

Lorsqu’une œuvre est collaborative, la durée de protection des droits patrimoniaux des auteurs s’étend jusqu’à soixante-dix ans à compter du décès du ou de la dernier·ère co-auteur·rice.

La destination du droit patrimonial s’effectue en fonction du lien de parenté avec le·la photographe et de sa situation maritale et familiale, selon l’ordre suivant :

Droits patrimoniaux – Sans testament

Photographe non marié·e (célibataire ou pacsé·e)

Photographe marié·e

Sans enfants

Avec enfants

Sans enfants

Avec enfants

Droits d’exploitation

Héritier·ère·s par ordre de

dévolution légale
Les enfants héritent de l’ensemble du
patrimoine, à parts égales et de manière indivisible
Les parentsreçoivent respectivement ¼ ;
le·la conjoint·e

survivant·e

reçoit ½ du patrimoineSans parents, le·la conjoint·e survivant·e
devient l’héritier·ère et reçoit la totalité du patrimoine

Le·la conjoint·e survivant·e bénéficie :

– soit de ¼ du patrimoine en pleine propriété

– soit de la totalité du patrimoine en usufruit

Les enfants bénéficient :

– soit de ¾ du patrimoine en pleine propriété

– soit de la totalité du patrimoine en nue-propriété
(répartie à parts égales)

Droit de suite

Héritier·ère·s par ordre de

dévolution légale

, avec usufruit possible prévu pour un·e

conjoint·e survivant·e

.En l’absence d’héritier·ère, légataireou
personne détentrice du droit moral

Le·la photographe peut également prévoir un testament pour choisir un·e légataire, qui peut être une personne physique ou morale (partenaire non marié·e, ami·e, société, association, fonds de dotation, fondation, etc.). En France, il est impossible de déshériter ses enfants de la part légale qui leur est réservée. Le·la photographe peut en revanche disposer librement de la part de son patrimoine qui ne fait pas l’objet d’une réserve héréditaire (appelée quotité disponible).

La part du patrimoine dévolue au légataire est calculée en fonction des parts disponibles selon la configuration familiale, qui varie selon le nombre d’enfants et la situation maritale du ou de la photographe :

Droits patrimoniaux – Avec testament

Photographe non marié·e

(célibataire ou pacsé·e)

Photographe marié·e

Sans enfants

Avec enfants

Sans enfants

Avec enfants

Droits d’exploitation

L’auteur·rice peut librement

léguer la totalité

des droits au légataire de son choix
La part réservée aux enfants dépend de leur
nombre :- 1 enfant : ½ du patrimoine- 2 enfants : 2/ 3 du patrimoine

– 3 enfants ou plus : ¾ du patrimoine

L’auteur·rice peut librement

léguer la part restante

de son patrimoine disponible au légataire de son choix

Le·la conjoint·e survivant·e est
l’héritier·ère et peut bénéficier d’un ¼ du patrimoine en
pleine propriétéL’auteur·rice peut librement

léguer la part restante

de son patrimoine disponible au légataire de son choix
Le·la conjoint·e survivant·e n’est pas
héritier·ère mais bénéficie de :- soit de ¼ du patrimoine en pleine propriété- soit de la totalité du patrimoine en usufruit
Les enfants sont les seul·e·s
héritier·ère·s et bénéficient de :- soit de ¾ du patrimoine en pleine propriété- soit la totalité du patrimoine en nue-propriété

Droit de suite

Sous réserve des droits des descendant·e·s
et d’un·e conjoint·e survivant·e non
divorcé·e, l’auteur·rice peut transmettre le droit de suite
par legs

Quelles sont les personnes qualifiées pouvant conseiller les photographes et ayants droit ?

Avec des droits de succession à régler au Trésor public dans les six mois, il est important que les héritier·ère·s soient conseillé·e·s afin de s’acquitter des contraintes fiscales et d’optimiser le règlement de la succession. Les professionnel·le·s du droit ne sont a priori pas habilité·e·s à prendre directement de décisions sur la succession ou la gestion d’un fonds. Ils peuvent néanmoins conseiller les familles et légataires tant sur la succession que sur d’éventuelles voies de valorisation et de protection des droits des auteurs dans le temps. Dans tous les cas, il est préférable d’anticiper ces démarches et de régler ces questions dans la mesure du possible du vivant d’un·e photographe, afin de s’assurer du respect de sa volonté mais aussi d’éviter les éventuels conflits.

  • L’avocat·e : dans un premier temps, un·e avocat·e peut conseiller les héritier·ère·s sur les démarches à suivre et éventuellement avoir un rôle de médiateur·rice dans des situations potentiellement conflictuelles. De la même manière que du vivant d’un·e photographe, l’avocat·e peut ensuite accompagner les héritier·ère·s dans la définition d’une éventuelle structure de gestion et d’exploitation du fonds, mais aussi pour la protection et la défense des droits des auteurs dans le temps.
  • Le·la notaire : un·e notaire accompagne les héritier·ère·s dans leurs démarches concernant la succession. Comment appréhender une succession dont l’actif est, entre autres, composé de phototypes ? Comment effectuer le partage d’une succession avec un fonds de photographe ? Comment évaluer dans le temps et déclarer une photographie ? Le·la notaire évalue la valeur du capital au moment du décès d’un·e photographe et conseille les héritier·ère·s sur la répartition et le paiement des droits de succession. Son intervention est obligatoire si la succession comporte des biens immobiliers.
  • Le·la commissaire-priseur·se : son rôle est d’effectuer la prisée, soit l’estimation de la valeur exhaustive du fonds. Il s’agit de définir la valeur monétaire ou pour mémoire de chaque objet. Cette étape est essentielle en ce qu’elle permet ensuite d’effectuer la déclaration de succession par un·e notaire.
  • Autres : le·la photographe travaillait-il·elle avec une galerie ? Un collectif ? Une agence ? Une société de gestion collective des droits des auteurs ? Les professionnel·le·s du milieu de l’art peuvent servir de conseil pour la conservation, la gestion et la valorisation de l’œuvre d’un·e photographe, dans la continuité de leur travail de collaboration.

Comment évaluer un fonds ?

Comment déterminer la valeur monétaire d’un fonds ? Dans le cadre d’une succession, la valeur d’un fonds d’un·e photographe est calculée au moment de son décès. Il est nécessaire qu’un inventaire ou archivage du fonds soit réalisé au préalable par le·la photographe, qui peut être aidé par des assistant·e·s ou archivistes. Outre la valeur monétaire, un fonds sera plus facilement transmissible et valorisable s’il est inventorié, documenté et contextualisé. Cette étape préliminaire permet aux commissaires-priseur·se·s de réaliser la prisée du fonds et aux notaires d’établir un prix juste pour régler la succession d’un patrimoine global et du fonds de photographe en particulier. Ces évaluations doivent prendre en compte le prix du marché des tirages, mais aussi la valeur historique et scientifique de chaque objet du fonds et apprécier l’œuvre dans son ensemble.

Les méthodes actuarielles d’évaluation des fonds

Si le tirage d’un·e photographe est vendu à 5 000 € avant son décès et que le fonds est constitué de 500 photographies, les héritier·ère·s doivent-ils ou elles s’acquitter des frais d’une succession calculée sur un fonds d’une valeur élevée à 2 500 000 € ? Le marché de l’art n’est pas linéaire mais répond à un phénomène de rareté. Or, si tous les tirages étaient vendus en même temps, leur valeur serait diminuée et tous ne seraient pas vendus.

Il existe donc des méthodes actuarielles d’évaluation des fonds prenant en compte des mécanismes de décote incluant un critère d’écoulement dans le temps, pouvant s’étendre jusqu’à cinq ans. Il est donc recommandé de concevoir un projet avec des notaires, commissaires-priseur·se·s et potentiellement avocat·e·s afin d’établir la bonne évaluation d’un fonds et éviter le calcul d’un montant de frais de succession impossible à régler pour les héritier·ère·s.

Comment gérer un fonds ?

Archiver, inventorier et classer : avant d’envisager l’évaluation ou même le traitement d’un fonds, il est nécessaire qu’un archivage, inventaire et classement soit réalisé par le·la photographe, qui est le·la plus à même de connaître les spécificités de son œuvre et de ses pratiques. D’un point de vue juridique, cela permet aux professionnel·le·s du droit de réaliser l’évaluation du fonds et d’encadrer la succession de la manière la plus juste possible.

D’un point de vue pratique, cela permet ensuite de penser la bonne conservation et la diffusion d’un fonds, qu’elle soit réalisée par des ayants droit, des structures privées ou des institutions publiques. Lors de l’archivage, il est conseillé de renseigner le plus d’informations possibles, tenant aux caractéristiques techniques (procédé utilisé, statut juridique, dimensions, classement, etc.) et au contenu des images, tirages et objets (date, titre, série, édition, légende, documentation, etc.), afin de ne perdre aucun détail pouvant altérer leur utilisation future.

Il est nécessaire d’anticiper ce travail fastidieux mais essentiel sans lequel il est impossible d’évaluer, de conserver et de valoriser un fonds après le décès d’un·e photographe.

La numérisation

La numérisation permet aux photographes et aux ayants droit de travailler sur les objets du fonds sans les manipuler à chaque utilisation et maintenir ainsi leur bonne conservation. Elle sert également à partager des images et documents avec des personnes extérieures (chercheur·se·s, maisons d’édition, galeries, agences, etc.) et éventuellement de diffuser commercialement le fonds. La numérisation n’est pas la solution ultime aux problèmes de gestion et de diffusion d’un fonds. Une évaluation de son étendue et des technologies adéquates est nécessaire avant de se lancer dans un tel chantier.

Quelques conseils d’utilisation du numérique pour les fonds photographiques :

  • déterminer une structure dans la dénomination des fichiers numériques ;
  • créer et gérer des bases de données permettant de retrouver rapidement un objet et sa référence ;
  • déterminer le format (jpg, pdf, etc.) et la taille (haute et basse définitions) des fichiers digitaux en fonction des usages souhaités ;
  • ajouter des métadonnées aux images afin que leur identité soit retracée s’ils venaient à être diffusés sur internet et veiller au respect des droits des auteurs.

Conserver : connaître le contenu d’un fonds permet ensuite de s’assurer de sa bonne conservation, en fonction des objets et des quantités. Le conditionnement général doit prendre en compte le fonds de manière globale afin d’optimiser la place et le stockage qu’il occupe.

  • La température et l’hygrométrie : il est nécessaire d’établir un protocole de conditionnement et d’exploitation prenant en compte la température et le taux d’humidité. Contrôler l’environnement de conservation d’un fonds permet de s’assurer de la bonne conservation selon les types d’objets, en intégrant leurs particularités respectives, et d’éviter la propagation de moisissures et autres facteurs de dégradation. Certains documents, vulnérables aux fluctuations d’environnement, sont voués à se détériorer plus rapidement. Une conservation à moyenne voire basse température permet un ralentissement du processus de détérioration.

Températures conseillées selon les différents objets d’un fonds (liste non exhaustive)

  • Température ambiante (environ 18 °C, hygrométrie 35 %) : tirages noir et blanc, diapositives et positifs noir et blanc, daguerréotypes, microfilms argentiques noir et blanc, tirages photographiques couleur pigmentaires.
  • Température fraîche (environ 12 °C, hygrométrie 35 %) : plaques de verre, supports audiovisuels.
  • Température froide (environ 4 °C, hygrométrie 25 %) : négatifs souples sur support nitrate ou acétate de cellulose, tirages photographiques couleur à développement chromogène, diapositives et positifs couleur.

  • L’exposition à la lumière : protéger les tirages et objets du fonds des expositions directes permet d’éviter les radiations, visibles ou non, qui créent des dommages irréversibles. Les tirages photographiques sont particulièrement sensibles aux ultraviolets et infrarouges, ainsi qu’à la chaleur dégagée par les lampes à incandescence ou halogènes.
  • Le rangement : préserver de la poussière, des liquides ou autres éléments extérieurs permet d’éviter d’altérer les objets des fonds. Un conditionnement adapté à chaque objet (type de papier, format, nature abrasive ou inflammable de certains objets, etc.) est nécessaire afin d’assurer la bonne conservation de l’ensemble d’un fonds dans le temps.
  • L’accessibilité : il convient de prévoir un taux d’accessibilité selon les besoins et pratiques. Les objets d’un fonds peuvent ainsi être rangés de manière plus ou moins accessible en fonction de l’utilisation qui en est faite, leur conditionnement (fragilité, manipulation), leur valeur, etc. Un projet particulier peut nécessiter d’avoir un accès ponctuel à une partie déterminée du fonds.
  • Le lieu : il est souhaitable que le fonds soit conservé dans un endroit ventilé ou avec renouvellement de l’air, pouvant résister pendant plusieurs heures à l’eau, au feu, ou autres intempéries.
  • La sécurité : il peut être nécessaire que le fonds soit assuré, pour prévenir des éventuels dommages ou dégradations.

Si le·la photographe dispose d’un lieu de conservation ou de stockage adapté à son fonds, son maintien et sa transmission aux ayants droit sont à prévoir. Il est essentiel de laisser des directives et de prévoir des moyens éventuels pour s’assurer de la bonne préservation du fonds dans le temps.

Diffuser : il existe diverses façons de diffuser un fonds photographique pour les photographes de la même manière que pour les ayants droit, qu’ils ou elles travaillent de manière individuelle ou avec une structure. Ce travail peut être remis à une agence, ou encore à une institution si le fonds est donné, légué, déposé ou acquis. La valorisation d’un fonds dépend de son auteur·rice, du contenu et des usages pouvant en être faits. Il est important de s’assurer, à chaque diffusion, du respect des droits des auteurs.

  • Montrer le travail et l’œuvre : réaliser des expositions, des ouvrages, des catalogues, des revues, créer des partenariats, etc. afin d’assurer la monstration et la communication de l’œuvre.
  • Favoriser la recherche : permettre aux chercheur·se·s d’effectuer des travaux et recherches sur une œuvre, un fonds et un·e photographe, permettant de l’inscrire dans l’histoire de l’art.
  • Assurer la transmission : favoriser l’éducation et rendre accessible l’œuvre à des publics différents ou ciblés.

Quelle fiscalité pour la vente d’un tirage ?

Il existe différentes manières d’obtenir des rémunérations issues de l’exploitation d’un fonds. À côté des droits des auteurs, plusieurs sources de revenus émanent traditionnellement des expositions et des éditions, telles que la rémunération issue d’ouvrages, les partenariats, le droit d’exposition s’il est appliqué, entre autres. La vente d’un fonds photographique n’est pas conseillée pour de nombreuses raisons :

  • Sa valeur serait dépréciée, car l’afflux d’un trop grand nombre de tirages d’un·e même photographe risquerait d’inonder le marché et d’aller à l’encontre du phénomène de rareté.
  • Généralement, le marché, qu’il soit primaire (ventes en galeries ou agences) ou secondaire (ventes aux enchères), ne s’intéresse pas à tous les objets inclus dans un fonds. Les négatifs, planches-contacts, documents annexes et autres objets pouvant être présents dans un fonds, bien qu’ayant une grande valeur historique, scientifique et patrimoniale, n’ont a priori pas de valeur financière.
  • La dislocation et la dispersion d’un fonds empêchent sa traçabilité, rendant difficile voire impossible toute forme de valorisation.

L’une des particularités de la photographie est qu’elle peut faire l’objet d’éditions. Il peut être possible de vendre des tirages qui existent en éditions multiples et ainsi avoir une rentrée financière grâce à leur vente, en veillant à conserver au moins un exemplaire dans le fonds et maintenir un corpus complet de l’œuvre. Ce travail de vente à des institutions ou à des collectionneur·se·s peut être réalisé en direct ou avec l’aide de professionnel·le·s : galeries, agences, expert·e·s voire maisons de ventes. La loi définit différentes règles, selon que le tirage intègre les critères lui permettant d’accéder au statut juridique d’œuvre originale ou qu’il fasse l’objet d’éditions multiples.

La vente par un·e professionnel·le ressortissant·e de l’Union européenne est assujettie à une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à taux réduit de 5,5 %, sous certaines conditions : le tirage doit être signé par son auteur·rice et réalisé dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus. Cette limitation d’édition constitue un plafond, laissant la possibilité aux photographes de réaliser de plus petites éditions, qui ont généralement une plus grande valeur sur le marché. Ces conditions non remplies, les photographies seront soumises au taux général de vente de biens ou prestations, soit une TVA à hauteur de 20 %.

La vente de tirage par les photographes et ayants droit est soumise à une taxe forfaitaire. Son taux dépend des caractéristiques du tirage vendu. Pour les particuliers résidents fiscaux français ou les associations, si le prix du tirage est inférieur à 5 000 € la transaction n’est pas taxée. Il en est de même si le tirage est cédé à titre gratuit. Il peut être cédé à titre onéreux mais bénéficier d’une exonération de taxes forfaitaires si le tirage est cédé à un musée labellisé « Musée de France », une collectivité territoriale, une bibliothèque publique ou un service d’archives. Si le prix d’un tirage excède 5 000 €, il fait l’objet d’une taxe forfaitaire à hauteur de 6,5 % (CRDS à 0,5 % incluse).

Dans le cadre d’une succession, les œuvres sont exemptées de taxe forfaitaire. Les tirages existant au jour du décès vendus par les ayants droit sont néanmoins soumis à la taxe forfaitaire. Si l’ayant droit souhaite réaliser des tirages post-mortem, ils seront juridiquement qualifiés d’œuvres nouvelles non réalisées par l’auteur·rice décédé·e et seront soumis à la TVA puis aux bénéfices non commerciaux (BNC) s’il s’agit d’œuvres originales, ou soumis à la TVA et aux bénéfices industriels et commerciaux (BIC) s’il s’agit d’œuvres multiples.

Que faire lors de la découverte d’un fonds photographique ?

Dans les greniers, dans les brocantes, dans les ventes aux enchères… De plus en plus de fonds et ensembles photographiques font l’objet de découvertes voire de redécouvertes. Les cas d’œuvres retrouvées et valorisées comme celle de Vivian Maier existent mais demeurent extrêmement rares. Quel que soit le mode d’acquisition d’un fonds ou ensemble photographique, il faut toujours préalablement rechercher à identifier l’auteur·rice, ou à défaut les ayants droit, avant d’effectuer toute démarche de gestion, de valorisation ou de transmission.

Il faut rappeler que selon l’article L. 111-3 du CPI, la propriété du support physique (tirages, négatifs, etc.) est distincte de la titularité du droit d’auteur. D’un côté, les propriétaires d’un objet ne peuvent en revendiquer les droits. De l’autre, les titulaires des droits des auteurs (photographes ou ayants droit) ne peuvent exiger des propriétaires matériels la mise à disposition de leurs objets. Néanmoins, les propriétaires matériels ne doivent pas empêcher l’exercice des droits moraux à leurs titulaires.

Si le·la photographe fait partie de la famille, il est nécessaire de vérifier qu’un·e autre héritier·ère ne se charge pas déjà du travail de valorisation, ou qu’une personne n’ait pas été expressément désignée pour l’exercice des droits des auteurs (légataire, exécuteur·rice testamentaire, acquéreur·se de l’exercice des droits patrimoniaux, etc.). Faire appel à un·e professionnel·le du droit intervenant en tant que médiateur·rice peut s’avérer nécessaire en cas de conflit.

Si le·la photographe ne fait pas partie de la famille mais est identifié·e et que le fonds n’est pas encore exploitable – car non tombé dans le domaine public –, il est nécessaire de contacter l’auteur·rice ou ses ayants droit avant toute utilisation du contenu. Une cession des droits patrimoniaux peut avoir lieu, à condition que le domaine d’exploitation soit défini selon l’étendue, la destination, le lieu et la durée d’exploitation de l’œuvre, selon les conditions énoncées aux articles L. 131-2 et 131-3 du CPI. Un travail sous l’autorité des ayants droit peut aussi être envisagé si une exploitation du fonds est souhaitée par une tierce personne. Si l’exploitation s’effectue après les soixante-dix ans consécutifs au décès de l’auteur·rice, l’exploitation de l’œuvre peut se faire, dans le respect des droits moraux du ou de la photographe.

Si le·la photographe est inconnu·e ou anonyme, une recherche diligente, avérée et sérieuse afin d’identifier les auteur·rice·s doit être effectuée, selon les critères énoncés à l’article L. 113-10 du CPI. L’œuvre est considérée comme orpheline uniquement après ces recherches et si les titulaires des droits ne peuvent être identifié·e·s ou retrouvé·e·s. L’utilisation des œuvres orphelines est régie par des règles communes énoncées par la directive européenne 2012/28/EU et transposée en droit français par la loi 2015-195 du 20 février 2015, qui favorise un accès large de ces œuvres « grâce au support numérique et dans un cadre non lucratif ».

Si un fonds est issu de différent·e·s photographes, que les auteur·rice·s soient connu·e·s ou non, toutes les règles précitées s’appliquent. Lorsqu’une œuvre a plus d’un·e titulaire des droits et que l’un·e de ces titulaires est identifié·e et retrouvé·e, elle n’est pas considérée comme orpheline et le droit d’auteur s’applique.

Les différents types de structures indépendantes d’accueil des fonds photographiques

Si les photographes ou leurs ayants droit souhaitent en garder l’administration, il est possible de créer des structures privées pour la gestion des fonds. La responsabilité et la charge de travail d’une gestion indépendante représentent une implication élevée et différents prérequis administratifs et financiers sont à anticiper.

Différents modèles sont envisageables, selon la composition et l’importance du fonds et en adéquation avec les moyens disponibles et la volonté d’effectuer le travail de gestion. À côté des fondations reconnues d’utilité public (FRUP), dont la forme peut être intéressante pour la valorisation du travail d’un·e photographe mais qui est extrêmement coûteuse, d’autres structures comme l’association loi 1901 ou le fonds de dotation peuvent être des solutions pour une gestion temporaire ou pérenne d’un fonds photographique par des particuliers.

Qu’est-ce qu’une association loi 1901 ?

Selon la loi du 1er juillet 1901, une association est définie comme « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ». Cette loi concerne toutes les associations dont le siège social se situe en France, à l’exception de celles en Alsace-Moselle qui font l’objet d’un statut particulier. L’association loi 1901 est caractérisée par sa grande liberté contractuelle, la seule limite étant qu’elle n’ait pas de but lucratif – sous peine d’être requalifiée en société par les juges du fond.

Il existe différentes formes d’association :

  • l’association agréée, qui reçoit un agrément sur décision ministérielle ;
  • l’association d’intérêt général, dont la reconnaissance est donnée par décret en Conseil d’État ;
  • l’association reconnue d’utilité publique, qui permet de délivrer des reçus fiscaux à ses donateur·rice·s, particulier·ère·s ou professionnel·le·s.

Comme une société, une association est qualifiée de personnalité morale. Ses statuts peuvent être rédigés librement, sans obligation de se doter d’organes de direction. Néanmoins, une association doit obligatoirement comprendre au moins deux membres et avoir un responsable légal. Il est également nécessaire de tenir une comptabilité.

Une association peut avoir différentes sources de revenus :

  • participations des membres (adhésions et cotisations) ;
  • dons et legs de particuliers ou d’entreprises ;
  • subventions ou commandes publiques ;
  • recettes d’activités lucratives, à condition d’avoir une gestion désintéressée et de ne pas concurrencer le secteur commercial.

Pour la gestion de fonds photographiques, l’association loi 1901 est la structure la plus libre dans sa forme et avec le moins de contraintes administratives et financières. Elle peut permettre de réunir des personnes connaissant ou ayant connu les photographes, leur travail et leur histoire. S’appuyer sur les connaissances et l’expertise de ce réseau peut aider à la prise de décision et à résoudre les questions de légitimité lorsque les photographes ne sont plus là pour indiquer leurs volontés. Elle peut également être utilisée comme interface avec les tiers, comme structure de gestion des droits des auteurs et comme moyen de visibilité des fonds.

Exemples :

Qu’est-ce qu’un fonds de dotation ?

Créé en 2008 avec la loi de modernisation de l’économie, un fonds de dotation est une personne morale à but non lucratif, fondé par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, pour une durée déterminée ou non. Le fonds de dotation a pour objet :

  • de réaliser une œuvre ou une mission d’intérêt général (utile à la collectivité, à une période donnée) ;
  • d’aider un autre organisme à but non lucratif à accomplir une œuvre ou une mission d’intérêt général en lui accordant des financements.

Pour créer un fonds de dotation, les fondateur·rice·s doivent apporter en numéraire et au cours du premier exercice comptable une dotation initiale d’au moins 15 000 €…

Exemples : le fonds de dotation Pierre de Fenoÿl et le fonds de dotation de l’École nationale supérieure de la photographie (ENSP).

Qu’est-ce qu’une fondation reconnue d’utilité publique (FRUP) ?

La FRUP a pour but la cession irrévocable de ressources, de biens ou de droits, par une ou plusieurs personnes, en vue de réaliser une œuvre d’intérêt général. La demande de création est instruite par le ministère de l’Intérieur et soumise à l’avis des ministères de tutelle…

Exemple : la fondation Henri Cartier-Bresson.

Qu’est-ce qu’une fondation d’entreprise ?

Une fondation d’entreprise est créée pour réaliser une œuvre d’intérêt général. Elle peut être créée par une ou plusieurs entreprises ou par un ou plusieurs des organismes suivants : sociétés civiles ou commerciales, établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), coopératives, institutions de prévoyance ou mutuelles.

Ses domaines d’intervention sont les mêmes que ceux d’une fondation reconnue d’utilité publique. Sa constitution est soumise à autorisation préfectorale (contrôle de légalité) avec dépôt des statuts et publication au Journal officiel…

Exemple : la fondation d’entreprise Neuflize OBC et la Fondation Cartier pour l’art contemporain.

Qu’est-ce que le reçu fiscal ?

Le reçu fiscal ouvre droit à une réduction d’impôt sur le revenu, au bénéfice des fondations ou associations reconnues d’utilité publique, fonds de dotation et fondations d’entreprise. Depuis 2021, la déclaration des dons et des reçus fiscaux est obligatoire.

Pour les particuliers, cette réduction est égale à 66 % du montant des sommes qui correspondent à des dons et versements, y compris l’abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domicilié·e·s en France, dans la limite de 20 % du revenu imposable.
Pour les professionnel·le·s, la réduction d’impôt dépend du montant total des dons d’intérêt général effectués par l’entreprise. Les dotations inférieures à deux millions d’euros ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés égale à 60 % du montant des dons dans la limite de 20 000 € ou de 5 % du chiffre d’affaires si ce dernier montant est plus élevé.
Lorsque le montant total des dons effectués est supérieur à deux millions d’euros, la réduction d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés égale à 40 % du montant des dons dans la limite de 20 000 € ou de 5 % du chiffre d’affaires si ce dernier montant est plus élevé .

Introduction

Dons et legs : que faire des fonds photographiques privés ?

Partie 1

Droit des fonds photographiques privés

Partie 3

Structures publiques d’accueil des fonds photographiques

Outils et annexes

Foire aux questions

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